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La musique est à Gide à la fois un laboratoire et une échappatoire, une discipline et un reposoir. L’écrivain voue aux œuvres de la musique une affection sensuelle qui ne l’empêche pas d’en savourer la rigueur et l’abstraction. Il aime le Chopin le moins spéculatif autant que L’Art de la fugue ; il demande à la musique de lui apprendre à construire un texte, mais il lui demande aussi de lui enseigner une manière de clairvoyance immédiate.
Gide fut à la fois un interprète, un auditeur, un critique et un théoricien. Certes, il affiche ses lacunes de pianiste, et convient volontiers que la formation qu’il a reçue, avec ses professeurs successifs – Mlle de Gœcklin, M. Guéroult, M. Merriman, M. Schifmacher et Marc de la Nux – a été, malgré l’excellence du dernier de ses maîtres, insuffisante. Toutefois, les documents filmés qui le montrent au clavier – que ce soit la fameuse leçon donnée à Annick Morice ou les images muettes datant de 1930 – laissent deviner un pianiste capable de vélocité, et qui connaît les lois de l’harmonie.
Bon instrumentiste, Gide était également un auditeur critique attentif à toutes sortes d’esthétiques : il n’est, pour s’en convaincre, que d’ouvrir son Journal, où l’on rencontre, entre autres, les noms d’Albéniz, de Berlioz, de Bizet, de Brahms, de Chabrier, de Chausson, de Debussy, de Dukas, de Fauré, de Franck, de Granados, de Haendel, de d’Indy, de Liszt, de Mendelssohn, de Monteverdi, d’Offenbach, de Paganini, de Satie, de Tailleferre, de Schubert, de Schumann, de Richard Strauss, et bien sûr de Wagner, que Gide exécrait tant.
Pianiste, auditeur et critique, Gide fut en outre (malgré lui peut-être) un théoricien de la musique. Selon lui, la musique divulgue et raffine, elle publie ce que le langage cèle : elle serait comme le langage à la fois incarné et impalpable de l’âme. À quoi il faut ajouter que Gide musicographe est un moraliste. Il n’ignore pas le rôle que joue la vaine gloire dans son exaltation d’instrumentiste. Il sait, par exemple, que ce qu’il aime dans les fugues de Bach, c’est aussi ce qu’elles révèlent de son habileté de pianiste, et de l’endurance de sa mémoire. C’est le virtuose que donc il est que Gide vilipende alors : en somme, il rêve à un monde qui serait celui de la musique pure, de la musique préservée de tout contact avec ceux qui sont ses indignes célébrants.
Signalons pour terminer que Gide fut l’ami ou l’interlocuteur de nombreux musiciens : Raymond Bonheur, Claude Debussy, Darius Milhaud, Maurice Ohana, Florent Schmitt, Igor Stravinsky… Sans oublier que l’œuvre de Gide romancier, poète et traducteur a inspiré les compositeurs, de Darius Milhaud à Pierre Thilloy en passant par Georges Auric, Gary Bachlund, Elsa Barraine, Alfredo Casella, Mario Castelnuovo-Tedesco, Jean Cras, Alphons Diepenbrock, Louis Fourestier, Arthur Honegger, Charles Koechlin, E. L. T. Mesens, Tristan Murail, Louis Saguer, Henri Sauguet, Florent Schmitt, Igor Stravinsky, Roger Vuataz et Alexander von Zemlinsky.
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