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Publié au début de l’année 1897, ce livre qui compte parmi les plus célèbres de Gide a été directement nourri par l’expérience décisive de son voyage en Afrique du Nord, en 1893-1894, « près d’un peuple qui s’invétère, d’une religion différente, d’une morale parfois contraire et pourtant belle » (« Postface pour la nouvelle édition de Paludes »). Gide y rend compte de sa nouvelle posture en face de la vie, en évoquant de façon allusive un certain nombre d’événements et d’impressions vécus durant – mais aussi avant et après – ce voyage.
Généralement considéré comme une œuvre poétique, il s’agit en fait d’un ouvrage inclassable, à la fois lyrique et ironique, autobiographique et narratif. Composées de différents livres agencés suivant une logique rigoureuse, même si le lecteur a d’abord l’impression d’une composition lâche, dictée par le flux mobile des réminiscences et des sensations retrouvées, Les Nourritures terrestres présentent discrètement la structure d’un roman d’apprentissage ou, du moins, d’un récit initiatique, qui retrace le cheminement éthique du jeune Gide à la faveur des événements vécus en Algérie, notamment la maladie et les premières expériences homosexuelles. Le travail stylistique accompli par le jeune écrivain, en revanche, vise à rendre compte, dans une forme poétique, de la disponibilité du sujet et du miroitement de ses émotions et de ses impressions.
Il s’agit bien pour Gide d’exposer une nouvelle éthique individuelle. « Certes, il m’a plus souvent qu’une doctrine et même qu’un système complet de pensées ordonnées justifiât à moi-même mes actes », rappelle le narrateur (Livre II). Dans ses Nourritures, Gide, qui a pu éprouver en Algérie l’importance de son corps, tourne le dos à l’idéalisme d’André Walter et proclame l’importance des sens. Il y célèbre en termes lyriques la ferveur et la disponibilité, c’est-à-dire l’ouverture résolue à la beauté du monde, sous toutes ces formes.
Pour des raisons qui tiennent autant à un idéal de l’œuvre d’art fondé sur le principe d’une forme de gratuité, qu’à l’impossibilité pour Gide d’évoquer explicitement ses expériences homosexuelles, Les Nourritures terrestres restent néanmoins une œuvre délibérément ambiguë, qui ne constitue nullement un manuel de morale, même si une certaine jeunesse, notamment après la Première Guerre mondiale, a pu la lire de cette façon. Certes, le jeune écrivain semble y tourner le dos au symbolisme, mais il se soucie surtout de réintroduire la réalité dans une littérature symboliste et désincarnée, sans déroger aux principes esthétiques formulés à l’époque du Traité du Narcisse. Par ailleurs, il prend soin d’introduire une dimension dialectique et ironique dans son ouvrage, en multipliant et en opposant les points de vue, d’un livre à l’autre. Le personnage de Ménalque, figure fascinante inspirée en partie par Oscar Wilde, à la fois modèle et repoussoir pour le narrateur voire pour son lecteur, cristallise ces tentations diverses et le refus de s’enfermer dans aucune d’entre elles.
Bibliographie raisonnée
Éditions
Les Nourritures terrestres, Paris, Gallimard, coll. folio n° 117.
Les Nourritures terrestres, éd. Pierre Masson, in Romans et récits. Œuvres lyriques et dramatiques, t. I, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 2009 (texte p. 347-444, notice, note sur le texte, notes p. 1317-1339).
Études critiques
Collectif, Revue des Lettres Modernes. André Gide, n° 2 : Sur « Les Nourritures terrestres », Paris, Minard, 1971.
Davet Yvonne, Autour des « Nourritures terrestres », Histoire d’un livre, Paris, Gallimard, 1948.
Veyrenc Marie-Thérèse, Genèse d’un style. La phrase d’André Gide dans « Les Nourritures terrestres », Paris - Le Puy-en-Velay, Nizet, 1976.
Walker David H. & Brosman Catherine (éds.), Retour aux « Nourritures terrestres », actes du colloque de Sheffield (mars 1997), Amsterdam, Rodopi, 1997.
Wittmann Jean-Michel, Symboliste et déserteur. Les œuvres fin de siècle d’André Gide, Paris, Honoré Champion, 1997.
Articles critiques
Abadie Karine, « Gide, l'homme ordinaire du cinéma. », Bulletin des Amis d'André Gide, n°199/200, automne 2018, p. 173-186.
A. Genova Pamela, « Gide reformulé par Gide : Les visages nombreux des Nourritures terrestres. », Bulletin des Amis d'André Gide, n° 148, octobre 2005, p. 511-532.
Ben Damir Amina, « Du visible et de l'invisible dans Les Nourritures terrestres. », Bulletin des Amis d'André Gide, n°199/200, automne 2018, p. 145-160.
Michel Eugène, « Influence des Nourritures terrestres sur une jeune fille rangée. », Bulletin des Amis d'André Gide, n° 170, avril 2011, p. 229-234.
Poulet Georges, « L’instant et le lieu chez André Gide », Revue des Lettres Modernes. André Gide, n° 3, 1972, p. 57-66.
Walker David H., « Note pour étude de la composition des Nourritures terrestres », Bulletin des Amis d’André Gide, n° 39, juillet 1978, p. 71-74.
Walker David H., « L'inspiration orientale des Nourritures terrestres : suite - et fin ? », Bulletin des Amis d'André Gide, n°189/190, printemps 2016, p. 53-62.
Mémoires et thèses
Divers
« Autour des Nourritures terrestres », Bulletin des Amis d’André Gide, n° 30, avril 1976, p. 19-38.