Un Centre dédié à la recherche sur André Gide

Le Centre d’Études Gidiennes a vocation à coordonner l'activité scientifique autour de Gide, diffuser les informations relatives aux manifestations gidiennes et à rendre visibles et accessibles les études qui lui sont consacrées.
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Centre d’études gidiennes Bureau 49, bâtiment A UFR Arts, lettres et langues Université de Lorraine Île du Saulcy F-57045 Metz cedex 01

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Stephanie Bertrand Jean-Michel Wittmann
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Gide & la photographie

présénté par Dominique Massonnaud

Lieu : La Fonderie, Mulhouse | 18h30

 

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Le 4 mars 2019 a eu lieu la quatrième rencontre du cycle de conférences / performances « Gide Remix », organisé par le Groupe de recherche éponyme. La soirée s’est déroulée dans la galerie de la Maison Engelmann, lieu incontournable de la ville de Mulhouse, où la littérature (Librairie 47 degrés Nord) côtoie les délices de la table (Engel’s coffee Mamma Mozza). Pour le public venu nombreux, ce moment d’échange a été l’occasion de re-découvrir – littérairement et littéralement – Les Nourritures terrestres d’André Gide. 

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 ©PF

 La faim & ses différentes significations

Dans « L’écrivain comme fantasme », Roland Barthes raconte cette petite anecdote concernant Gide :

Un carnet dans la poche et une phrase dans la tête (tel je voyais Gide circulant de la Russie au Congo, lisant ses classiques et écrivant ses carnets au wagon-restaurant en attendant les plats ; tel je le vis réellement, un jour de 1939, au fond de la brasserie Lutétia, mangeant une poire et lisant un livre).

Contemporains décalés, les deux écrivains ne pourront jamais s’assoir à la même table. Quelques années plus tard, en revanche, René Étiemble – alors âgé de trente-sept ans – a la chance de partager avec Gide un repas au Cataract Hôtel, à Assouan. Dans son journal, en 1946, il note :

Gide mange, et repique au plat, d’un appétit qui me navre à la fois et me comble d’espérance. Avec un pareil estomac, je le vois vivre centenaire et m'en réjouis, mais j’aimerais qu’un homme si sensible à Chopin, à la beauté des corps, à celle du langage, résistât mieux à la laideur de ce menu.

Ces mots d’Étiemble sont particulièrement frappants. Le portrait qu’il dessine – Gide apparaît insatiable, famélique, vorace – ne colle nullement à la description que l’écrivain fait de lui-même quelques années plus tard seulement. Considérons ce passage célèbre d’Ainsi-soit-il ou Les Jeux sont faits, texte posthume de 1952 : 

J’ai fait connaissance d’un mot qui désigne [l’état dont je souffre] ; un très beau mot : anorexie. De an, privatif, et oregomai, désirer. Il signifie : absence d’appétit (« ce qu’il ne faut pas confondre avec le dégoût » [...]). Ce terme n’est guère employé que par des docteurs ; n’importe : j’en ai besoin. Que je souffre d’anorexie, c’est trop dire : le pire c’est que je n’en souffre presque pas ; mais mon inappétence physique et intellectuelle est devenue telle que parfois je ne sais plus bien ce qui me maintient encore en vie sinon l’habitude de vivre.

Pourquoi discuter d’anorexie à l’occasion d’une soirée consacrée à Gide et à la gastronomie ? Peu importe de savoir si l’écrivain mangeait peu ou beaucoup, et donc si Étiemble avait ou n’avait pas raison. C’est la définition du terme anorexie qui est intéressante. Gide distingue en effet deux univers, que les intervenants de cette soirée se proposent de placer au cœur de la réflexion : l’esprit, d’une part, le corps, de l’autre. 

Pour le jeune Gide, les nourritures livresques, voire spirituelles, ont été durablement les seules nourritures. C’est pourquoi, dans son œuvre, l’écriture de la faim est d’abord d’ordre symbolique, ainsi que Stéphanie Bertrand l’a bien montré (lien à l'article). « Malheur à ceux qui n’ont faim précisément pour le plat que le temps nous présente », écrit-il en 1905. Pour ce qui est du deuxième niveau, c’est-à-dire celui du corps, il faut considérer ce que Gide raconte dans son autobiographie à propos de son enfance : « Mes parents avaient donné la veille un dîner ; j’avais bourré mes poches de friandises du dessert ; et, ce matin-là, sur mon banc, je faisais alterner le plaisir avec les pralines » (Si le grain ne meurt, 1924). Le lien entre nourriture et volupté est évident. Sans oublier cet autre passage, où l’auteur décrit l’étouffant milieu littéraire parisien et la portée bouleversante de son premier voyage africain : « Je fus sauvé par gourmandise. » 

Mais la gourmandise est aussi, et surtout, l’attitude de se tourner vers la nourriture par pure envie. On retrouve ici la signification première de la « faim », voire du désir de manger. Pour Gide, celui-ci a (presque) toujours partie liée avec le voyage, surtout dans son œuvre fictionnelle. Le principe est très simple : à la maison, on mange, quand on la quitte, on a faim. Et pour quelqu’un qui hait les familles – d’après le cri célèbre des Nourritures – le fait d’« avoir faim » est quelque chose de positif. Bernard, jeune bâtard des Faux-monnayeurs, s’adresse ainsi à son père : « L’idée de vous devoir quoi que ce soit m’est intolérable et je crois que, si c’était à recommencer, je préférerais mourir de faim plutôt que de m’asseoir à votre table. » Faire le choix de la faim, c’est refuser la certitude, l’immobilisme, et opter pour l’aventure, l’errance... Il faut donc apprendre à « connaître sa faim » – c’est ce qu’affirme Lafcadio (Les Caves du Vatican) – et l’entretenir, sans jamais l’éteindre.

Dans Les Nourritures terrestres, toutes ces différentes déclinaisons de la faim se croisent et se fondent harmonieusement. Il s’agit d’un livre qui est plein de parfums, de saveurs et de couleurs. Mais aussi de désir, d’appétit et de curiosité. En présentant un choix d’extraits significatifs, Augustin Voegele a su révéler la complexité qui caractérise cette œuvre, où le Je goûte les livres pour ensuite les délaisser, et se tourner vers les délices du palais, voire du corps. Par ses commentaires, toujours ponctuels, il a également bien préparé les esprits – et les estomacs – à la suite de la soirée. 

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Augustin Voegele et Paola Codazzi (©PF)

Des mots & des mets

Qui dit gastronomie, dit curiosité, inspiration, et bien sûr, imagination. N’est-ce pas là l’univers propre à toute démarche créative ? C’est le point de vue de Francesco, chef cuisinier du restaurant Mamma Mozza, auquel les membres du groupe de recherche « Gide Remix » ont lancé un défi bien difficile : élaborer un menu unique à partir des aliments cités par Gide dans Les Nourritures terrestres. 

 

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L’expérience de la transformation des produits bruts en véritables plats est vécue dans toute son ampleur, mais sans excès : ce qui reste au centre de la recherche de Francesco est le goût, qui doit être le plus possible authentique. Des cuissons longues et à basse température, donc, et un assaisonnement très léger, pour savourer la fraîcheur des fruits, les protagonistes du livre et du buffet. La culture arabe se mêle à la tradition italienne, ce qui donne lieu à des réinterprétations tout aussi originales que réussies : le café noir bu à Biskra par le narrateur des Nourritures donne au dessert un goût amer tout à fait inattendu ; le kirsch arrose un délicat sorbet au citron ; la grenade accompagne une gelée de concombre... Les échanges se poursuivent, autour d’une tasse de thé aux pétales de roses, ou d’une tisane au gingembre et miel, dans une atmosphère chaleureuse et amicale. La littérature se fait expérience, et invite à la réflexion.

***

C’est un nouveau visage de l’écrivain et de son œuvre que cet événement « Gide Remix », entre les lignes et les tables, nous invite à découvrir. Les Nourritures terrestres nous dévoilent un univers à déguster, avec les cinq sens. Et comme cette soirée le prouve, le plaisir est à partager.

 Paola Codazzi

 

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Gide & la gastronomie
Les Nourritures terrestres (1897) prises au mot

présenté par Augustin Voegele


Lieu : Maison Engelmann, Mulhouse | 20h

 

 

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Le 5 février 2019 a eu lieu à Mulhouse la deuxième soirée du cycle de conférences / performances « Gide Remix », organisé par le Groupe de recherche éponyme. La rencontre s’est déroulée dans la galerie de la Maison Engelmann – le cadre idéal pour ce moment unique de création et de réflexion. Les différents invités sont venus à tour de rôle sur le devant de la scène pour mettre à l’honneur – en mots aussi bien qu’en notes – la figure et l’œuvre d’André Gide.

Pourquoi André Gide, et pourquoi Gide remix ? Pour Pierre Thilloy, la question n’a rien de banal. Le compositeur s’est souvent laissé inspirer par l’écrivain : on lui doit notamment la partition intitulée Ainsi soit-il, la pièce pour quatuor à cordes et récitant Notes sur Chopin, la musique pour le film Voyage au Congo de Marc Allégret (1925), ou encore l’opéra Les Faux-monnayeurs. « Il ne s’attache à rien ; mais rien n’est plus attachant que sa fuite » : cette phrase, prononcée par Laura au sujet d’Édouard, pourrait bien figurer comme devise pour Pierre Thilloy, dont l’œuvre aspire à créer des ponts entre le passé et le présent. En effet, le désir de rendre hommage à ce grand auteur du XXe siècle se lie toujours à la volonté de l’actualiser, voire de « le faire exister, aujourd’hui, de manière concrète ». 

C’est en plein dans cette perspective que s’inscrit la soirée du 5 février, où le public – venu très nombreux – a eu l’occasion d’écouter un concert mélangeant, ou plutôt remixant, les genres classiques et pop. Pierre Thilloy n’est pas le seul à avoir répondu à l’appel de l’écrivain, qui exhorte son lecteur à collaborer, à mettre en jeu sa curiosité et son imagination. Stéphane Escoms – musicien provenant du monde du jazz – et AELLE – chanteuse d’origine alsacienne – ont relevé, eux aussi, le défi de donner à Gide une voix différente, aux accents résolument contemporains. 

 

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Le quatuor à cordes KIARAMONTES, AELLE et Stéphane Escoms 
(©PC)

 

La voix d’AELLE interroge le public : « Va-t-elle me reconnaître ? » Pour la première chanson, Pierre Thilloy reprend un extrait de La Symphonie pastorale. Il s’agit précisément de la note du 24 mai : au lendemain de l’opération grâce à laquelle Gertrude recouvre la vue, l’angoisse s’empare du pasteur, qui confie à son journal sa peur de ne plus être aimé. Celle qui, jusqu’alors, ne l’a regardé qu’avec son cœur va enfin se réveiller de son sommeil noir et découvrir son visage. C’est la tension inscrite dans l’écriture gidienne que la musique restitue par ses vibrations. Une tension qui trouve écho dans les aquarelles de Paola Travers, inspirées par la figure de Gertrude. Le spectateur se trouve alors interpellé à la fois par l’ouïe et par la vue, les deux sens qui dominent, de manière très contrastée, le récit de Gide. 

 


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Paola Travers (©PC)

 

La soirée continue sur les notes d’une chanson composée par Stéphane Escoms. Emporté par le rythme de l’accordéon, le public reconnaît la fin de Paludes. Pourtant, le mot de fin risque d’être inapproprié dans ce contexte, car la sotie est bien loin d’être close « comme un œuf ». Le silence qui suit la dernière ligne du récit – « J’écris Polders... » – n’est qu’un silence provisoire, rompu par trois courts textes : « Envoi », « Alternative » et « Table des phrases les plus remarquables de Paludes ». Véritable œuvre en devenir, Paludes ne se referme pas : Gide encourage son lecteur à s’emparer du livre et, par un regard toujours neuf, à lui donner une éternelle modernité. Stéphane Escoms met en pratique l’invitation offerte par l’auteur et réinterprète de manière originale de ces beaux vers : « Aussi depuis notre infortune / Moi je préfère la bonne lune ».

La troisième chanson reprend, elle aussi, des vers. AELLE s’est en effet inspirée des Poésies d’André Walter, recueil attribué à l’auteur des Cahiers et publié à titre posthume nous dit-on, en 1892. Partant de textes considérés aujourd’hui comme mineurs, AELLE nous invite non tant à (ré)découvrir Gide poète – voire Gide auteur de poèmes –, mais plutôt à réfléchir au fait que pour lui, comme pour Édouard, « rien d’a existence que poétique ». Un autre aspect de la personnalité et de la pensée de cet écrivain protéen se révèle ainsi au public, qui se trouve transporté en dehors des chemins traditionnels de la critique littéraire. Le texte n’apparaît plus comme le but ultime de la réflexion, mais il est considéré comme un tremplin pour aller plus loin, là où la littérature rencontre la musique et où le classique rencontre la pop...

Philippe Olivier, écrivain et historien de la culture, revient sur ce sujet dans l’entretien qui ponctue le concert. Aux questions de Gilles Million – Directeur de la Confédération de l’Illustration et du Livre –, il répond citant des pages peu connues du Journal, sans oublier la correspondance et les Mémoires. Il nous convie ainsi à pénétrer dans l’univers musical de Gide, du puritanisme de l’enfance – « Ma mère tenait la musique de Chopin pour “malsaine” » (Si le grain ne meurt, 1924) – à la félicité éprouvée lors de certains récitals, félicité qu’il ne retrouvait nulle part ailleurs. 



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Philippe Olivier, Gilles Million et Pierre Thilloy (©PC) 


Au cours de l’entretien, qui se déroule dans une atmosphère conviviale, Philippe Olivier nous apprend aussi qu’en dépit des apparences, Gide ne méprisait pas complètement la musique populaire, qu’il eut l’occasion d’écouter lors de ses nombreux voyages. De même, la musique populaire s’est intéressée à Gide. Le groupe anglais nommé The Vatican Cellars l’atteste1 – les chansons de Pierre Thilloy, Stéphane Escoms et AELLE le confirment : la voie est ouverte pour de nouvelles expérimentations, pour de nouvelles pistes de recherche. À la fin de cette soirée, le spectateur quitte donc la salle avec plus de questions que de réponses. Ce qui, à coup sûr, n’aurait pas déplu à Gide.

Paola Codazzi

1 À ce sujet, voir l’article d’Augustin Voegele dans Gide de A à Z.

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Gide & la musique
ou comment remixer un classique dans l’air du temps

présenté par Pierre THILLOY

Lieu : Maison Engelmann, Mulhouse | 19h

 

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Le 15 novembre 2018 a eu lieu à Mulhouse la première soirée du cycle de conférences / performances « Gide Remix », organisé par le Groupe de recherche éponyme. La rencontre s’est déroulée au MOTOCO, une association d’artistes située dans un ancien bâtiment de l’usine textile DMC. Invité d’honneur, le dessinateur Jérôme Lereculey, président du Festival Bédéciné, rendez-vous majeur du genre en France, qui en est aujourd’hui à sa 34édition. 

Les Caves du Vatican, un livre « à part »

Sur sa table – placée à côté de la scène – Jérôme Lereculey essaie de remettre un peu d’ordre avant le début de la soirée. « J’aime rester dans mon coin quand je travaille », nous dit-il. De l’eau, des couleurs et des feuilles entassées les unes sur les autres, où différentes versions du même visage nous regardent. Aucune hésitation ne sera possible ce soir, car les dessins se feront en live, sous les yeux du public. Les voix de Marine Parra et Caroline Werlé – doctorantes à l’Université de Haute-Alsace – guideront les mouvements de sa main, projetée sur un écran. Quelques instants encore et nous serons tous dans cette chambre de l’impasse Claude-Bernard, à Paris, où le comte Julius de Baraglioul découvre, fouillant dans un tiroir, un carnet de comptes apparemment sans importance...

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© PC

Pourquoi Les Caves du Vatican ? Il faudrait répondre ainsi : Lafcadio, donc Les Caves. On connaît la célèbre phrase prononcée par Jean Paulhan à la sortie du Vieux-Colombier, en 1951 : « Plus d’un garçon garda pour dormir toute la vie la porte de sa chambre ouverte, parce que telle était l’habitude de Lafcadio. » Que ce soit vrai ou pas, il est certain que ce personnage a fasciné des générations entières de lecteurs, au point que la fortune de l’œuvre de Gide a été longtemps liée à celle de son héros bâtard. Un exemple : en 1925, en Angleterre, le livre sort dans la traduction de Dorothy Bussy sous le titre Lafcadio’s Adventures ! Titre qu’il a gardé pendant bien longtemps, étant donné qu’il aura fallu attendre l’année de son centenaire pour voir paraître une retraduction.

Il ne fallait rien de moins que ce personnage – si ambigu, si complexe, à la personnalité multiple – pour débuter notre propre aventure « Gide Remix ». Lafcadio en action, voilà le principe qui a guidé le choix des extraits lus au cours de la soirée. L’épisode de l’acte gratuit, bien sûr, mais d’autres également : sa première rencontre avec Julius, son élan au secours de deux enfants pris dans un incendie, la lecture du fait-divers où il se découvre « criminel », etc. Un personnage qui se transforme au fil des pages de Gide et au fil des dessins de Jérôme Lereculey, qui parvient à nous montrer les différentes facettes de son caractère, en jouant sur le contraste des couleurs chaudes et froides, de l’orange et du bleu.

Au travers d’une technique que ses fidèles lecteurs trouveront décidément inusuelle, Jérôme Lereculey s’efforce d’aller à la rencontre de l’imaginaire de Gide. Le travail du dessinateur, dont la main court rapidement sur la feuille pour coller au rythme du texte, est en effet le fruit d’un travail de relecture et de réappropriation du texte littéraire. La table ronde qui suit la performance, où sont discutées les impressions à chaud du public, vient le confirmer. Les gravures de Jean-Émile Laboureur, dont Lereculey a pris connaissance en faisant ses recherches, ont servi à la fois de modèle et de repoussoir : tenir compte de ces réalisations était en effet nécessaire, mais c’est l’univers de la bande dessinée qu’il importait de restituer ici. Et on voit bien que le jeune bâtard gidien n’est pas sans rappeler le célèbre Corto Maltese. Le « beau jeune homme blond » décrit par Gide a les cheveux bruns et une cigarette à la bouche...

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Littérature & bande dessinée. Quelques pistes de réflexion

Le quotidien Le Monde a lancé, en 2017, en collaboration avec les Éditions Glénat, la collection « Grands classiques de la littérature en bande dessinée », destinée aux lycéens. Chaque volume est accompagné d’un support pédagogique, permettant d’accéder à un ensemble de repères historiques, artistiques et sociaux.Gide aurait-il pu y trouver sa place ? Peut-être. L’inscription des Faux-monnayeurs au programme du baccalauréat a suscité un écho tout à fait intéressant, qui va justement dans cette direction (voir le site de la Fondation Catherine Gide). Et n’oublions pas qu’il existe une bande dessinée du Retour du Tchad, publiée par La Boîte à bulles en 2010. 

Aujourd’hui, la bande dessinée a incontestablement trouvé son public. Les ventes et le succès de différentes manifestations, dont le Festival Bédéciné, en témoignent. Il en va de même pour la place de la littérature en bande dessinée. La discussion à laquelle ont été conviés Paola Codazzi, coordinatrice de la soirée, Ambre Fuentes, réalisatrice, Denis Gerhart, responsable des auteurs du Festival Bédéciné, et le dessinateur Jérôme Lereculey, a permis de confirmer la place importante des adaptations de romans en BD, et du travail d’inspiration réciproque et d’échanges entre deux univers à la fois très proches et très différents.

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 © PC

De la ligne à la case, donc : La Vie devant soi (2017), Le Premier homme (2017), Claudine à l’école (2018), etc. Dans certains cas, c’est l’auteur lui-même qui inspire les créateurs de BD. Au cinéma, on parle aujourd’hui de biopic. Dans le neuvième art, les choses ne sont pas bien différentes. La biobd – si on accepte le néologisme – est un genre à succès : il suffit de penser à Rimbaud, l’indésirable, paru en 2013 aux Éditions Casterman, suivi en 2016 par Rimbaud, l’explorateur maudit (Éditions Glénat). Et il ne faut pas négliger l’importance, dans le panorama actuel, des graphic novels, ou romans graphiques. Ils représentent un mouvement général de la bande dessinée vers la littérature, qui attire aujourd’hui l’attention d’une critique en quête d’instruments méthodologiques et théoriques. Où se situe la frontière entre l’album et le livre ? Qu’est-ce que signifie « écrire » une bande dessinée ? Comment situer, dans un cadre déjà si complexe, la bande dessinée muette, ou silencieuse ? Les questions soulevées par le débat sont multiples et restent pour la plupart sans réponse unique. 

Mais Denis Gerhart nous invite à une dernière considération : la bande dessinée semble réussir à toucher un public que la littérature proprement dite n’est plus capable d’atteindre. L’adaptation en BD d’un récit tel que Les Caves du Vatican nous paraît donc la bienvenue. En répondant à notre invitation, Jérôme Lereculey a en même temps répondu à une question plus générale sur la capacité d’une œuvre à se renouveler dans le temps, en rencontrant de nouvelles formes et de nouveaux publics, jusqu’à aller chercher le « lecteur paresseux » dont parlait Gide.

 

Paola Codazzi

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Gide & la bande dessinée
Représenter la littérature. Dessiner Les Caves du Vatican (1914)

présenté par Paola Codazzi

Lieu : MOTOCO, Mulhouse | 18h30

 

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À l’occasion du 150e anniversaire de la naissance d’André Gide, le Groupe de recherche « Gide Remix » – composé de spécialistes et de jeunes chercheurs – organise pour l’année 2018-2019, un cycle de rencontres consacré à l’écrivain et à son œuvre. Le projet vise, d’une part, à intéresser les spécialistes et les connaisseurs – qui vont peut-être découvrir Gide sous un autre jour –, et d’autre part, à capter l’attention d’un public de novices, qui seront peut-être surpris de la modernité et de la richesse de l’écrivain.

 

« Je n’écris que pour être relu »
(Journal des Faux-monnayeurs, 1926)

Recherche

Avant l’entrée de l’auteur dans le domaine public, le moment semble venu pour remettre Gide en perspective(s), avec un regard particulier accordé à la diffusion internationale des études et des créations consacrées à son œuvre. Loin d’être tombée dans l’oubli, cette œuvre est aujourd’hui l’objet de réappropriations diverses : Pierre Thilloy, par exemple, a consacré un opéra aux Faux-monnayeurs (2014) ; Marie Perruchet s’est inspirée des Nourritures terrestres pour la création d’une chorégraphie de danse contemporaine (2017) ; Retour du Tchad est devenu un livre illustré pour enfants (2010).

La valeur et l’originalité de ces réalisations, qui se trouvent à la croisée du littéraire et de l’artistique, invitent à la réflexion. Sans renier le livre, le rayonnement qui a commencé en 1951, après la mort de l’écrivain, perdure aujourd’hui sous plusieurs formes : ce sont elles que nous nous proposons de cerner et d’étudier. Cette idée très gidienne d’aller au-delà des frontières, de multiplier les points de vue et d’oser repousser toujours plus loin la limite de ce qui est acquis, nous essayions aujourd’hui de la redécouvrir et de la réinterpréter.

Le cycle « Gide Remix » souhaite ainsi favoriser une réflexion autour des axes de recherche suivants :

– la circulation et la réception de l’œuvre et de la pensée de l’écrivain aujourd’hui (en Europe et dans le monde) ;

– la notion de frontière (géographique, culturelle, artistique) et sa perméabilité dans le cadre de créations contemporaines consacrées à l'écrivain ;

– les relectures critiques de l’œuvre et de la pensée d’André Gide à travers d’autres médiums (photographie, musique, danse, théâtre, etc.).

Le cycle « Gide Remix » vise deux objectifs : d’une part, valoriser et soutenir les travaux sur André Gide développés au sein de l’Institut de recherche en langues et littératures européennes (ILLE, EA 4363) – conformément aux axes de recherches qui structurent les activités du laboratoire – et, d’autre part, illustrer l’importance de cet auteur au-delà du domaine strictement littéraire, en lien avec les manifestations culturelles promues par les acteurs de l’université et de la ville de Mulhouse.

Ouvertures

Un désir de mise en place d’échanges qui ne se limite pas au milieu universitaire anime les membres du Groupe, dont les compétences diverses permettent de multiplier les angles d’approche. Le cycle « Gide Remix » est né, en effet, de la volonté d’instaurer un dialogue créatif entre les spécialistes gidiens et les spécialistes d’autres disciplines, dialogue qui puisse donner lieu – selon les cas – à des spectacles, performances, installations, etc., portant sur la figure et l’œuvre du Prix Nobel de Littérature en 1947.

Les six soirées prévues pour l’année 2018-2019 seront l’occasion d’explorer différents domaines – bande dessinée, musique, botanique, photographie, théâtre, gastronomie – dans le but de réfléchir à l’actualité de l’auteur, et en particulier à ces interrogations :

– quelle est aujourd’hui la valeur de cet écrivain, devenu désormais un classique de la littérature mondiale ? Pour reprendre la question posée par Paul de Man en 1965, « qu’est-ce qui est arrivé à André Gide » ?

– avec un attention particulière portée à la dimension internationale de son œuvre, de quelle manière sa production littéraire se trouve-t-elle réinvestie en art, en musique et dans d’autres champs artistiques ?

– y a-t-il des aspects de son œuvre considérés plus actuels et qui se trouvent alors privilégiés par rapport à d’autres ? Sa personne, sa figure, est-elle aussi au centre de ce mouvement de redécouverte qui est depuis quelques années en plein essor ?

Les échanges autour de ces questionnements permettront de croiser les regards et d’ouvrir un espace de dialogue capable de mettre en communication les chercheurs et le grand public.

« C’est pour ceux qui sont à venir que j’écris », affirmait Gide à la fin de sa vie. Jouer sur plusieurs tableaux, multiplier les connexions, créer des ponts entre la communauté gidienne et les lecteurs, telle est la voie tracée par le Groupe « Gide Remix » pour que l’écrivain puisse véritablement, selon ses vœux, « être futur ».

Des prises de son ou d’images sont à l’étude, tout comme des dossiers divers, afin de permettre une valorisation ultérieure de notre réflexion en commun – à travers la création d’une archive « Gide Remix » – et de songer à une deuxième saison.

 

Présentation Gide Remix copia

                                                                                    

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Le site du CEG a été réalisé grâce au soutien de la Fondation Catherine Gide, avec la participation de l’Association des Amis d’André Gide. Il a été réalisé en partenariat avec Martine Sagaert, responsable du site originel andre-gide.fr, créé en 2006 avec des étudiant.e.s de l'I.U.T. des Métiers du Livre de Bordeaux.