Un Centre dédié à la recherche sur André Gide

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Stephanie Bertrand Jean-Michel Wittmann
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  Vous trouverez en bas de cette page plusieurs ressources critiques en ligne sur cette œuvre. Elles figurent en couleur.   

On parle peu de  L’École des femmes, cet « insupportable petit roman », disait Gide, qui le détournait de problèmes plus grands et plus neufs : « c’est la nécessité intérieure d’écrire ce roman que je ne sens pas », note la Petite Dame. Publié en 1929 d’abord en anglais dans la revue Forum puis dans La N. R. F., ce texte est une commande très novatrice dans son thème et ses enjeux, mais pour laquelle Gide semble renouer avec des formes et des techniques d’écriture qu’il pratiquait avant Les Faux-Monnayeurs : le livre se présente comme un journal, constitué de deux strates de rédaction, à vingt ans d’écart, dans le même cahier, puis d’un épilogue. Il retrouve une structure de journal en deux cahiers proche de La Symphonie pastorale.

     La première partie du journal propose le récit que fait la jeune Éveline, nouvelle Agnès, de sa rencontre avec Robert, ce faux jeune premier et barbon d’avance, et de leurs fiançailles. Gide y déploie une écriture virtuose qui appelle du lecteur plusieurs opérations simultanées : lire le journal d’ Éveline comme un document naïf sur la vie bourgeoise ; lire le ridicule de Robert derrière les éloges naïfs que la jeune fille fait de sa personne et de ses paroles.

      Dans ce théâtre indirect formé par cette série de scènes développées depuis un point de vue unique que sont les entrées de journal, Gide propose à travers Éveline l’histoire d’une rencontre et l’histoire d’une écriture. Pour l’intrigue, il expose les passages obligés de l’amour bourgeois : comment Éveline rencontre Robert à Florence à demi à l’insu du père ; la demande en mariage ; les préparatifs et la recomposition des relations familiales et amicales. Plus fortement, Gide rend manifeste le caractère apolitique et soumis du discours des jeunes filles : de vifs débats sur l’affaire Dreyfus ou l’Église sont réduits par le jeune fille à des scènes comiques ou à de bons sentiments vides ; le catholique – Robert – comme le positiviste – Marchant – s’accordent pour cantonner les femmes aux arts d’agrément ; elles renoncent même au piano pour se consacrer au mariage, qui prend l’importance d’une vocation. Mais simultanément, la première partie est l’histoire du carnet même qu’on lit : Robert a proposé que les deux promis écrivent parallèlement leur journal et que le dernier vivant lise post mortem celui de l’autre ; mais Robert n’écrit pas le sien et lit celui de sa femme : l’accès des femmes à l’écriture personnelle est soumis à un projet de contrôle, et devient l’occasion d’un viol métaphorique qui désenchante l’amour même.

     La seconde partie met en scène vingt ans plus tard une Éveline consciente des défauts de son mari comme des qualités de son écriture : l’affranchissement de l’épouse par l’école (elle suit le programme de sa fille lycéenne) et la lecture des classiques nourrissent la remise en cause de la tutelle maritale et, par extension, celle de l’église. Écrire, c’est alors déceler, détailler, posséder l’inauthenticité de l’autre – le mari faible, l’homme dominant, le catholique croyant au progrès moral par l’imitation des apparences de la vertu. Cette comédie suscitée par l’écriture diariste est désormais pleinement voulue par Éveline ; elle déploie là encore une intrigue, celle de l’impossible divorce : incapable de formuler à son mari ce qui les sépare, cédant devant ses derniers traits d’authenticité, Éveline choisit le sacrifice et va mourir en 1916 en se mettant au service des malades contagieux dans un hôpital de l’arrière, laissant aux hommes les titres illusoires de gloire des décorations et offrant un exemple d’authentique dévouement.

François Bompaire

Bibliographie raisonnée

Édition

L’École des femmes, éd. de David H. Walker, in Romans et récits. Œuvres lyriques et dramatiques, vol. II, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 2009.

Études critiques

Di Bernardini Gian Luigi, « Un contrat de lecture qui n'en est pas un. Le cas de L'École des femmes. », Bulletin des Amis d'André Gide, n°167, juillet 2010, p. 295-310.

Hutchinson Hilary, « L'École des femmes, Robert, Genevièvre : tryptique à thèse ? », Bulletin des Amis d'André Gide, n° 110-111, avril-juillet 1996, p.191-211.

Marty Éric, « L’École des femmes », in Robert Edmonde (éd.), Texte et théâtralité, mélanges offerts à Jean Claude, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 2000.

Métayer Bernard, « Gide travesti (L'École des femmes, adaptation de Christiane Marchewska) », Bulletin des Amis d'André Gide, n°70, avril 1986, p.100-102.

Oliver Andrew, « Lecteur, lecture, lectrice : le Journal d'Éveline dans L'École des femmes d'André Gide », Bulletin des Amis d'André Gide, n°82-83, avril-juillet 1989, p.231-241.

Walker David H., « Notice de L’École des femmes », in Romans et récits. Œuvres lyriques et dramatiques, vol. II, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 2009, p. 1259-1271.

Wittmann Jean-Michel, « De l’individualisme au féminisme. La question de la minorité dans la trilogie de L’École des femmes », in Wittmann Jean-Michel (éd.), Gide ou l’identité en question, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 185-196.

Le site du CEG a été réalisé grâce au soutien de la Fondation Catherine Gide, avec la participation de l’Association des Amis d’André Gide. Il a été réalisé en partenariat avec Martine Sagaert, responsable du site originel andre-gide.fr, créé en 2006 avec des étudiant.e.s de l'I.U.T. des Métiers du Livre de Bordeaux.