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En 1923, André Gide publie chez Plon le livre Dostoïevski qui rassemble un ensemble de textes consacrés à l’écrivain russe, écrits entre 1908 et 1923 : l’essai Dostoïevski d’après sa correspondance (d’abord paru dans La Grande Revue le 25 mai 1908), l’article « Les Frères Karamazov » (initialement paru dans Le Figaro, à l’occasion de la mise en scène théâtrale des Frères Karamazov par Jacques Copeau en 1908), l’allocution prononcée au Vieux-Colombier pour la célébration du centenaire de l’écrivain russe le 24 décembre 1921 (d’abord parue dans La NRF en janvier 1922), enfin, un cycle de six conférences prononcées entre le 18 février et le 25 mars 1922 (et d’abord publiées dans La Revue hebdomadaire du 13 janvier au 17 février 1923).
Ce livre manifeste les affinités profondes que Gide entretient, et revendique, avec l’écrivain russe, même si sa position demeure ambiguë, ainsi qu’il l’explicite lui-même : s’il précise avoir d’un côté employé la figure de Dostoïevski comme un « prétexte », de l’autre, il estime n’avoir pas falsifié la pensée de ce dernier.
Ce livre a un double effet herméneutique sur le lecteur : faire lire Dostoïevski à travers Gide et faire lire Gide à travers Dostoïevski. Ou, pour le dire autrement, une critique des narrations dostoïevskiennes transforme la biographie spirituelle de l’écrivain russe en autobiographie intellectuelle de Gide.
Différentes étapes sont clairement identifiables dans l’architecture du livre : 1) une analyse de l’épistolaire (Dostoïevski d’après sa correspondance) ; 2) une préface critique à la mise en scène théâtrale des Frères Karamazov ; 3) un acte préliminaire d’avertissement à l’encontre de certaines équivoques interprétatives (Allocution présentée au Vieux-Colombier) ; 4) l’exploration de la vie de Dostoïevski (première conférence) ; 5) des réflexions sur le caractère du peuple russe et sur les grandes orientations psychologiques et morales de l’œuvre dostoïevskienne (deuxième conférence) ; 6) une critique du journal de l’écrivain et une réflexion sur la méthode avec laquelle Dostoïevski perçoit et analyse ses personnages, en se plaçant en dehors de tout schéma de cohérence et explorant leur profondeur déchirée (troisième conférence) ; 7) une analyse des passions et de leurs contradictions (quatrième conférence) ; 8) les trois niveaux de la psyché, la question de l’âme et la pulsion nihiliste liée à l’indépendance de l’individu (cinquième conférence) ; 9) l’importance du mal dans l’art, la joie de la vie éternelle, la question métaphysique de la maladie, le caractère des réformateurs sociaux, les paradoxes du nihilisme et la controverse sur l’Europe (sixième conférence).
Quelques nœuds émergent : le thème des passions, la critique épistémologique des mots (examinés dans leur incapacité à saisir la fluidité de la vie), la question anthropologique de la spontanéité, la discussion spéculative des mythes du nihilisme, la comparaison entre Nietzsche et Dostoïevski, la confrontation entre l’esprit critique français et l’âme russe, la question des Nations et du sentiment européen.
Bibliographie raisonnée
Éditions
Dostoïevski d’après sa correspondance, in Essais critiques, édition présentée, établie et annotée par Pierre Masson, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », Paris 1999, p. 450-474
Les Frères Karamazov, in Essais critiques, édition présentée, établie et annotée par Pierre Masson, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », Paris 1999, p. 492-496.
Dostoïevski, allocution prononcée au Vieux-Colombier, in Essais critiques, édition présentée, établie et annotée par Pierre Masson, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », Paris 1999, p. 555-559.
Dostoïevski, in Essais critiques, édition présentée, établie et annotée par Pierre Masson, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », Paris 1999, p. 559-655.
Études critiques
Sagaert Martine, « L’âme russe d’André Gide. Des inédits, de l’étranger et de l’intime », in Martine Sagaert et Peter Schnyder (éds.), André Gide. L’écriture vive, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2008.
Schnyder Peter, « Gide et la Russie soviétique. De l’usage de la retouche », in Martine Sagaert et Peter Schnyder (éds.), André Gide. L’écriture vive, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, Pessac 2008.