Un Centre dédié à la recherche sur André Gide

Le Centre d’Études Gidiennes a vocation à coordonner l'activité scientifique autour de Gide, diffuser les informations relatives aux manifestations gidiennes et à rendre visibles et accessibles les études qui lui sont consacrées.
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Stephanie Bertrand Jean-Michel Wittmann
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Tout lecteur d’André Gide connait la célèbre Anthologie de la poésie française que l’auteur publia en 1949 après de nombreuses années de maturation d’un projet en forme de testament littéraire et artistique. En revanche, nombre de ses lecteurs ignorent qu’André Gide orchestra savamment la publication conjointe de deux anthologies personnelles de son œuvre, de son vivant, en 1921 au moment où son magister sur le monde des Lettres françaises est à son paroxysme : une première, à destination du public adolescent, sous le titre de Pages choisies chez l’éditeur Georges Crès, au sein de la collection « Le Florilège contemporain », et une seconde, adressée à un lectorat plus familier, intitulée Morceaux choisis aux éditions de La Nouvelle Revue Française.

Ces deux recueils de fragments d’une œuvre déjà particulièrement dense à l’heure de leur publication, sont proches dans leur forme et leur fonction du recueil poétique. En effet, ils conjurent la hantise de la dissémination arbitraire par le rassemblement des textes – textes qui acquièrent une nouvelle physionomie et ébauchent une relation unique avec les autres pièces avec lesquelles ils sont ainsi amenés à dialoguer. De fait, il ressort de la lecture de ces deux ouvrages une nouvelle physionomie, assurée par la réunion de textes auparavant étrangers l'un à l'autre – matériellement, non dans l'esprit de leur auteur – et l'observation d'une architecture qui fait alterner des formes et genres variés. Mais surtout, le lecteur y observe une métamorphose de certaines pages qui passent du statut de simple texte à celui de parties structurantes d'un ouvrage.

La forme chrestomathique met également l'accent sur un aspect essentiel de la création gidienne, celle de hiérarchisation de la production. En effet, « anthologiser » une œuvre, c'est opérer des choix, sélectionner des titres, en exclure d'autres. Se pose ainsi la question de la littérarité de l'ouvrage et des frontières de l’œuvre littéraire nouvellement tracées. Les Pages choisies et les Morceaux choisis semblent ainsi parcourus par une double logique : celle pour l'auteur d'effectuer un bilan de son activité artistique tout en unifiant son œuvre antérieure selon l'image qui lui convient et non suivant la simple logique chronologique. On y découvre un homme suffisamment assuré de la qualité de son art pour opérer personnellement une sélection parmi ses écrits ; la fragmentation de son existence et de son œuvre trouvant ainsi leur unité et leur matérialité dans l'espace du livre. On y observe d'ailleurs une construction remarquable puisque chaque texte répond en écho à ceux qui le précédent et le suivent tout en développant un aspect particulier de la poétique gidienne. La fragmentation devient dès lors la condition même de la réalisation de l'unité de l'homme et de l’œuvre.

Par ailleurs, la forme anthologique est au cœur du processus de transmission des textes et partie prenante non seulement de leur diffusion, mais également de la formation des modèles. De fait, dans la plus pure tradition des morceaux choisis à usage pédagogique, André Gide oriente ses lecteurs vers des textes auxquels il accorde lui-même une valeur de patrimoine méritant de surcroît un ancrage dans l'histoire littéraire. L'anthologie apparaît ainsi autant dans sa visée rétrospective que prospective. En faisant le bilan du nouveau sur une période couvrant près de trente ans, ces deux ouvrages méconnus posent des jalons pour l'avenir.

Hadrien Courtemanche

 

Le site du CEG a été réalisé grâce au soutien de la Fondation Catherine Gide, avec la participation de l’Association des Amis d’André Gide. Il a été réalisé en partenariat avec Martine Sagaert, responsable du site originel andre-gide.fr, créé en 2006 avec des étudiant.e.s de l'I.U.T. des Métiers du Livre de Bordeaux.