Un Centre dédié à la recherche sur André Gide

Le Centre d’Études Gidiennes a vocation à coordonner l'activité scientifique autour de Gide, diffuser les informations relatives aux manifestations gidiennes et à rendre visibles et accessibles les études qui lui sont consacrées.
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Centre d’études gidiennes Bureau 49, bâtiment A UFR Arts, lettres et langues Université de Lorraine Île du Saulcy F-57045 Metz cedex 01

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Stephanie Bertrand Jean-Michel Wittmann
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 Organisation : Paola Codazzi (UHA, Fondation Catherine Gide), Isabelle Diu (Bibliothèque littéraire Jacques Doucet), Sophie Martin (Bibliothèque Sainte-Barbe), Marc Scherer (Bibliothèque Sainte-Geneviève), Peter Schnyder (Fondation Catherine Gide) 

 

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Programme Gide dans ses lettres 14 16 mars 2019 copia compressed

Pour toute information, contacter Paola Codazzi

 

Argumentaire

Dans un article récent (et une entrée du Dictionnaire Gide), Pierre Masson rappelle, à juste titre, que la masse épistolaire produite par Gide est la plus importante – au moins du point de vue quantitatif – du XXsiècle : à ce jour, elle est constituée de près de quarante mille lettres échangées avec plus de deux mille destinataires. Un ensemble impressionnant, qui est en constante expansion. Le recours à la correspondance est depuis longtemps indispensable aux chercheurs, à commencer par les biographes, de Jean Delay (1956-1957) à Frank Lestringant (2013). Au cours des années, en raison peut-être de l’énormité et de l’hétérogénéité du corpus, la critique a privilégié une analyse « au cas par cas » avec une attention particulière portée à savaleur documentaire et historique. Or, sans négliger l’importance de ces études, nous nous proposons de dépasser les approches monographiques pour tenter une approche plurivalente qui nous permettra de proposer des lectures transversales. En nous inspirant des études publiées par la revue de l’A.I.R.E. – Épistolaire –, mais également des travaux récents de Geneviève Haroche-Bouzinac et de Mireille Bossis, nous souhaitons accentuer une réflexion sur l’importance de la correspondance, non pas tant comme source privilégiée de la vie privée de l’écrivain, mais plutôt comme lieu de création littéraire, de formation – Brigitte Diaz parle de « laboratoire identitaire » – et de réflexion (intellectuelle et esthétique). 

Ensemble vaste et complexe, tout aussi protéiforme que son auteur, le chantier épistolaire demande aujourd’hui à être considéré comme un tout, comme un genre à part entière entrant en communication avec le reste de l’œuvre, du Journal aux Mémoires, du roman aux essais critiques. Dans une perspective pluridisciplinaire, ouverte à des réflexions relevant de domaines différents (linguistique, littérature, histoire des idées, etc.), ce colloque souhaite apporter un regard d’ensemble sur Gide épistolier, afin de s’interroger sur la signification, la valeur et la portée de la correspondance, où se reflètent les multiples visages de l’écrivain. Toute contribution visant à enrichir la réflexion à l’appui de documents encore inédits sera bien sûr la bienvenue. Nous proposons d’articuler la discussion autour des axes de réflexion qui suivent. 

Axes de réflexion :

1) Épistolaire et identité. Une des constantes les plus manifestes de la correspondance de Gide est l’exploitation de l’écriture épistolaire au service du Moi. La belle formule de Bernard Beugnot – qui présente l’épistolier comme un « artisan de soi » – s’avère particulièrement topique, puisqu’elle explique l’importance pour Gide de s’essayer, comme aurait dit Montaigne, sous le regard de l’autre. Terrain privilégié du dévoilement et de la confession, la lettre comporte également une partie scellée, cachée, et à ce titre, s’affirme comme le lieu du silence et du non-dit. Dans ce cadre, la correspondance de Gide avec ses compagnons et ses proches est particulièrement intéressante, car elle porte les marques d’un processus d’émancipation et de maturation fait de secrets et d’allusions. Écriture de l’identité, ou des identités, la correspondance apparaît, d’après Pierre Masson, comme une pratique parfaitement complémentaire à celle du Journalet mérite à ce titre d’être considérée comme un moment décisif dans le processus d’élaboration du « Je » écrivant. De quelle manière la lettre contribue-t-elle à la construction identitaire de l’auteur ? Quel rôle joue la correspondance dans l’ensemble autobiographique gidien ?

2) Gide épistolier au-delà des frontières. En aucune façon, la lettre ne peut se réduire au territoire de l’intime, car elle se situe toujours « à la croisée de l’individuel et du social » (Mireille Bossis). Moteur silencieux d’un vaste réseau de correspondants, Gide contribue de manière décisive à la construction d’un espace de culture et de civilisation dépassant les frontières nationales. Mais ce n’est pas seulement le tissu que créent ses échanges transfrontaliers qui fait delui un épistolier européen : suite à l’expérience tragique de la Grande Guerre, au moment où il développe un intérêt accru pour l’Histoire, Gide conçoit sa correspondance à la fois comme un lieu de témoignage – où il décrit et commente les événements de son temps – et comme un lieu de débat – où il réfléchit sur l’avenir du Vieux Continent. Lieu de « commerce » d’idées et de préoccupations actuelles, sa correspondance avec Ernst Robert Curtius, Arnold Bennett ou Edmund Gosse, sans négliger l’importance de ses amitiés féminines – Aline Mayrisch, Dorothy Bussy, la Petite Dame – fait émerger une pensée de l’Europe en dialogue et une volonté d’action commune. Comment la lettre, en tant que communication par écrit et exigence de réponse en retour, contribue-t-elle à l’élaboration d’une conscience nouvelle, ouverte sur l’avenir ? Quel rôle (historique, culturel, politique) Gide attribue-t-il à ses correspondances internationales ? 

3) L’épistolaire comme laboratoire du littéraire. Depuis un certain temps, l’approche de la lettre comme « seuil du littéraire » (Brigitte Diaz) regagne du terrain. Il suffit de penser au rôle joué par Roger Martin du Gard lors de l’élaboration des Faux-monnayeurs pour comprendre l’importance de la correspondance dans le processus de création : à partir du moment où ilsont souvent pour sujet les idées (réalisées ou abandonnées) de l’auteur sur ses projets en cours, les échanges épistolaires font partie, à l’instar des préfaces ou des postfaces, du paratexte gidien. Mais au-delà de son statut de preuve dans l’historique de telle ou telle œuvre, il semble possible, plus profondément, de considérer la correspondance comme un « dossier », au sens génétique, du texte à venir. L’étude de Jean-Michel Wittmann (2002) ouvre une perspective intéressante sur ce sujet : peut-on affirmer qu’une communication s’instaure entre l’épistolaire et le littéraire ? S’il est vrai que certains motifs ou thèmes migrent de la correspondance à l’œuvre, dans quelle mesure la lettre forme-t-elle le soubassement de la création fictionnelle ? Du point de vue de l’art épistolaire, le discours est également intéressant : Gide manifeste-t-il dans sa correspondance un style différent de celui auquel est familiarisé le lecteur de ses fictions ? Existe-t-il un style spécifiquement épistolaire ou est-il possible de considérer la lettre comme la matrice (syntaxique, lexicale, rythmique) de l’œuvre ?

 

Le site du CEG a été réalisé grâce au soutien de la Fondation Catherine Gide, avec la participation de l’Association des Amis d’André Gide. Il a été réalisé en partenariat avec Martine Sagaert, responsable du site originel andre-gide.fr, créé en 2006 avec des étudiant.e.s de l'I.U.T. des Métiers du Livre de Bordeaux.